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lundi 24 décembre 2012

Acharnement politico-judiciaire contre Marc ONA ESSANGUI dans sa lutte contre l’accaparement des terres par le groupe Olam au Gabon

Survie a décidé de signer ce communiqué collectif de soutien [1] à Marc Ona Essangui, figure emblématique de la société civile gabonaise et de la contestation de la politique criminelle du régime d’Ali Bongo. On peut légitimement craindre, au regard du motif et du calendrier, que ces poursuites soient un prétexte de cette dictature françafricaine pour intensifier la répression.

Depuis de nombreuses années, la Société Civile gabonaise, notamment Brainforest dont Marc Ona Essangui est responsable n’a jamais cessé de se battre aux côtés des populations pour la défense de leurs droits, la protection de l’environnement et la transparence dans la gestion du pays.

En effet, alors que de nombreuses familles gabonaises n’ont toujours pas digéré la destruction non concertée de centaines d’habitations à Libreville en 2010 sans indemnisation ni relogement, le gouvernement gabonais décide de concéder près de 300 000 hectares de terre à la compagnie Singapourienne Olam pour la production d’huile de palme et la réalisation de plantations d’hévéa cultures sans consulter au préalable les populations locales et avec une étude d’impacts biaisée, selon la société civile locale.
Une contre étude réalisée par les experts de la société civile gabonaise montre les dégâts environnementaux, sociaux et économiques du projet.

Une pétition ayant obtenue des milliers de signatures des communautés locales s’opposant au projet a eu le soutien d’une cinquantaine d’organisations internationales qui reconnaissaient par là le bien-fondé de cette lutte menée de front par Marc ONA ESSANGUI [2].
Malheureusement, toutes ces réactions n’ont pas suffi pour décourager le groupe Olam et le gouvernement gabonais qui se sont lancés dans des campagnes de séduction dans les médias et auprès des populations.
Pourtant une réunion extraordinaire présidée par le Premier Ministre du Gabon a réuni les différents protagonistes et décidé de surseoir le projet. Hélas, le président de la République et les membres de son cabinet qui sont les principaux promoteurs de cette structure asiatique ont rejeté cette décision consensuelle.

Contre toute attente et non satisfait de ne pouvoir réaliser les objectifs de leur propagande au profit d’un groupe dont la réputation reste peu recommandable [3] et au détriment de son Peuple privé de ses terres, le régime gabonais par le biais du chef de cabinet d’Ali Bongo, Liban Souleymane, décide de poursuivre Marc ONA ESSANGUI en justice aux motifs que ce dernier aurait cité son nom dans l’implication du dossier Olam.
Sachant que plusieurs appels à libération de dizaines de citoyens gabonais victimes de parodies judiciaires sont restés sans suite, que la santé du jeune Nicolas Ondo, leadeur du mouvement estudiantin est préoccupante depuis sa sortie de prison et que les différents rapports sur les droits de l’homme du pays sont accablants, nous redoutons avec inquiétude et gravité que cette procédure judiciaire initiée par Liban Souleymane contre ONA ESSANGUI n’apparaisse comme une volonté manifeste du gouvernement gabonais d’empêcher la mobilisation du Peuple Gabonais contre un projet jugé scandaleux.
Le fait qu’un journal proche du pouvoir ait rendu publique la convocation au tribunal de Libreville de Marc ONA ESSANGUI avant que ce dernier n’en soit en possession, l’acharnement violent de groupes proches du pouvoir contre Marc Ona [4] sont autant de signaux qui ne trompent point.

Ce procès prévu le 26 décembre, en pleine période de fêtes de fin d’année est un moyen de bâillonner le cri des populations mais surtout d’étouffer la contestation grandissante de ce projet d’Olam conduite par Marc Ona Essangui.

A la suite de la Convention de la Diaspora Gabonaise, nous confirmons notre soutien à Marc ONA ESSANGUI dans ses combats pour les droits des peuples et la gouvernance et nous invitons le gouvernement gabonais à plus de retenue et de respect de son Peuple.
Par ailleurs, nous invitons la communauté internationale à rester vigilante et à exiger du gouvernement gabonais le respect de ses engagements pour les droits de l’homme et de la bonne gouvernance.

[1] Co-signé par le mouvement Ça suffit comme ça !, EELV, le Parti de Gauche et Survie

[2] Lettre ouverte au gouvernement gabonais du 08/10/2012

[3] Cf le rapport rendu par la société « Muddy Waters Research » sur la société Olam

[4] http://blogs.mediapart.fr/blog/dite... et http://ditengou.com/?p=nws&id=2...


 Publié le 24 décembre 2012 sur : http://survie.org
 

samedi 15 décembre 2012

Assises du développement : une concertation en trompe-l’œil

Promues à grand renfort de communication, les Assises du développement lancées par Pascal Canfin le 5 novembre à Paris veulent faire croire à un changement de méthode dans le dialogue avec la société civile, cumulant au passage beaucoup d’écueils : objectifs flous, occultation de thèmes sensibles, organisation « descendante ». Sans oublier le rôle ambigu accordé aux ONG dans le processus.


 

La volonté affichée du gouvernement et de son ministre délégué au Développement de se concerter avec la société civile sur le thème ambigu du « développement », dans le cadre du processus des « Assises du développement » est défendue comme la concrétisation d’une promesse de campagne. Celle de renouer avec la démarche « participative » érigée en 1999 par le gouvernement Jospin, via la création d’un Haut Conseil de la Coopération internationale, instance très rapidement neutralisée dans ses critiques et disparue en 2008.
Six mois après l’élection de François Hollande, on peut aussi y voir un vaste attrape-nigaud, tant il ne fait aucun doute que les grandes lignes de la politique gouvernementale sont déjà bien définies et ancrées dans la continuité en matière monétaire, économique ou diplomatique, et les rares propositions réformatrices soigneusement balisées.

« Vous êtes le carburant de ces Assises », déclarait pourtant le ministre délégué aux participants des Assises dans son discours d’ouverture du 5 novembre, « [...] et sans carburant – c’est un écologiste qui vous le dit – [...] le moteur s’arrête ». En écho à la célèbre métaphore d’Omar Bongo sur la relation franco-africaine, la voiture sans chauffeur et sans carburant, on pourrait être déjà tenté d’extrapoler la philosophie de ces Assises : le gouvernement aux commandes, les ONG (remisées au rang de seul combustible) au charbon.

Au vu des premiers documents et compte-rendu produits, ces Assises ont tout l’air d’incarner un dialogue biaisé, destiné à faire converger un maximum d’acteurs vers une destination déjà tracée par la diplomatie française. Cette direction, c’est bien celle du développement économique de la France via la défense de ses intérêts à l’étranger, dans les pays émergents mais aussi encore et toujours en Afrique.
Cela implique la poursuite de la domination monétaire française dans la zone CFA, le maintien de relations privilégiées avec des États présentant des intérêts stratégiques pour l’ancienne métropole, quelle que soit la nature de leur régime et la promotion des intérêts des acteurs économiques et financiers tricolores (à l’image des largesses octroyées par les contrats C2D aux entreprises françaises, en Côte d’Ivoire notamment). Autant de sujets absents ou à peine évoqués dans le programme de ces Assises.

La relation avec l’Afrique occultée

Si la notion de « développement » promue par Pascal Canfin a clairement pour objectif d’enterrer la notion de « coopération » et d’inclure plus systématiquement des pays émergents, c’est bien l’Afrique, peu mentionnée dans le discours ministériel, qui concentre encore l’essentiel des flux d’APD et des interventions des ONG. Plus qu’une réforme sémantique, c’est bien une analyse critique des pratiques passées qu’a subies ce continent qu’il conviendrait donc aujourd’hui de mener avant de prétendre proposer une vision nouvelle du développement. On n’enterre pas la Françafrique en la cachant sous le tapis.
Pas un mot non plus sur la corruption, les Droits de l’homme, dans le discours, ce qui confirme bien combien l’action du secrétaire d’Etat a été circonscrite aux thèmes les moins sensibles politiquement et les plus adaptés à son curriculum vitae personnel (flux financier, développement durable, dialogue avec la société civile), Laurent Fabius se chargeant des affaires jugées « sérieuses ».
Dans une interview à France Inter, le dimanche 25, Pascal Canfin conservait la même prudence, alignant les phrases creuses sur l’Afrique, sa démographie, sa croissance, son insertion dans la mondialisation (sous- entendant l’intérêt économique que la France pouvait y trouver), n’évoquant que très brièvement la corruption, le rôle des entreprises françaises, et le contenu de l’enterrement de la Françafrique promis.

Lots de consolation

De ces interventions et du programme des Assises ne ressortent que des incantations sur le développement soutenable et une vision (supposée nouvelle) du développement à défendre après 2015 (date de bilan du processus de promotion des objectifs du Millénaire pour le développement). Plus quelques éléments de cadrage technique sur les thématiques développées au cours des Assises (efficacité de l’aide, financement du développement, relation de l’Etat avec les partenaires du développement, etc.).
La part belle est une nouvelle fois laissée aux flux financiers, au volume et à l’efficacité de l’aide accordée aux pays en développement en bilatéral, multilatéral, via des mécanismes supposés « innovants ». Et, pour point d’orgue, la carotte agitée depuis toujours par les politiciens qui souhaitent amadouer les ONG en période électorale ou juste après les élections.
La part de l’APD transitant par ces dernières, qui regrettent depuis fort longtemps que proportionnellement cette part soit en France la plus faible de tous les pays de l’OCDE. Une promesse de doublement de cette part, réaffirmée par Pascal Canfin dans son interview à France Inter suffirait-elle à faire crier victoire à ces ONG ?

Notons tout de même, parmi les avancées, la concrétisation annoncée de quelques promesses faites aux ONG en matière de taxation financière ou d’encadrement des paradis fiscaux (processus déjà largement entamé sous le gouvernement précédent), maigre concrétisation d’un plaidoyer intense et tenace. Enfin, l’annonce de la volonté de la France de renégocier les Accords de partenariat économiques (APE) imposés par l’Union européenne aux pays africains, la promesse de ne pas intervenir auprès de la Justice dans les affaires de « Biens mal acquis » et la volonté annoncée de ne plus amalgamer les dispositifs de financement du développement avec ceux de contrôle des migrations peuvent également être considérées comme des avancées positives.

Un processus descendant

Après le fond, la forme. Pas plus reluisante. Le mode d’organisation même de ces Assises prouve leur manque d’ambition. Le processus de « concertation » a été lancé au mois d’octobre, dans le cafouillage le plus complet. Convoquées une semaine avant la date de la première réunion préparatoire, tenue le 23 octobre, les associations, ONG et autres structures « pressenties » et donc « présélectionnées » pour participer au processus n’ont pu que constater la logique prévalant dans cette organisation : calendrier imposé, format des premières rencontres pré-établi jusqu’au minutage des interventions. Plus grave, les cinq thématiques retenues, floues dans leur intitulé, non problématisées, ont été tout bonnement livrées clé en main aux futurs participants, avec peu de possibilités d’en ajouter de nouvelles.
Parmi les autres faiblesses relevées, l’absence de représentants des pays du Sud, hormis ceux choisis par les organisateurs, la mise en place de collèges de représentants avec des quotas, sans oublier la difficulté à savoir qui avait invité ou devait inviter qui, et au final, qui pourrait être représenté. De l’aveu de certains participants, le niveau des interventions au cours de la première session des Assises, le 5 novembre, était, au final, consternant.

Continuité dans la forme

Fallait-il s’attendre à autre chose ? Non, certainement, si l’on se fie à la nature du dialogue mené depuis quelques années par l’actuelle majorité présidentielle à l’égard des ONG françaises. En effet, si les campagnes électorales de 2007 et 2012 ont bien produit leur lot de rencontres de concertation entre le PS et la société civile, ces concertations ont rarement été à la hauteur des enjeux, faute d’un réel intérêt des candidats socialistes des deux dernières élections envers les problématiques de coopération internationale.
Hormis quelques échanges suivis d’engagements dénués de tout contenu précis sur la « Françafrique », la corruption ou les Droits de l’homme, les discussions avec les candidats eux-mêmes ont été réduites à leur plus simple expression, trop souvent tournées sur des revendications d’ordre corporatiste comme l’augmentation de l’APD et de sa part consacrée aux ONG.
En atteste la rencontre du 12 mars dernier au siège de campagne du candidat Hollande. Orchestrée par Coordination Sud, la campagne Action mondiale contre la pauvreté et le staff du candidat, la rencontre avait rassemblé un cortège hétéroclite d’ONG, fondations, per­sonnes, ressources et autres erreurs de casting (dont Pierre Bergé, grand argentier de la lutte contre le Sida... et du PS). Une rencontre fourre-tout, brassant un nombre considérable de thématiques, où le candidat et son équipe ont alors pu enfiler les perles et les demi-promesses sans mécontenter grand monde, à part Survie (qui n’a obtenu aucune réponse satisfaisante à son interpellation sur les relations franco-africaines), à défaut de satisfaire qui que ce soit.
Cette formule de rencontre ayant prouvé son inefficacité, elle a été reconduite à la veille du départ de François Hollande à Kinshasa, en octobre dernier. Invitée à la dernière minute à une « réunion de préparation du déplacement présidentiel » rassemblant pêle-mêle des ONG peu concernées par les enjeux réels de ce déplacement, Survie a refusé de participer à cette rencontre.

Les ONG, dupes ou complices ?

Ces insuffisances interrogent la nature même du dialogue existant entre les ONG françaises et le gouvernement et posent la question du risque d’instru­men­talisation des premières par le second, dans un contexte de fragilité économique, de recherche de visibilité qui font de la légitimité auprès des pouvoirs publics un enjeu en soi.

Comment expliquer, par exemple, l’absence quasi-totale de mobilisation des ONG françaises lors de la nomination du françafricain Dov Zerah à la tête de l’AFD en 2009 ou l’absence de propositions de réforme du rôle et du statut de cette Agence lors de la dernière campagne présidentielle ?
Indifférence ou crainte de voir la source de financement se tarir ?
Et plus récemment, comment, sans faire de procès d’intention, comprendre la présence aux côtés de François Hollande en octobre à Kinshasa de Jean-Louis Vielajus, le président de Coordination Sud (la principale plateforme d’ONG de développement et d’urgence) ?
Cette présence ne risque-t-elle pas d’avoir pour principale fonction de permettre à la communication élyséenne d’insister sur le changement de style avec les président précédents (qui, eux, voyageaient avec des entrepreneurs), comme le soulignait La Lettre du Continent (n°645) ?

Les ONG anglo-saxonnes, de plus en plus présentes en France, ont poussé assez haut le curseur en matière de lobbying, de plaidoyer, de course à l’image. A telle enseigne que des fondations sans base sociale hormis celle du mécénat telles que One ou la Fondation Bill Gates sont désormais des interlocuteurs réguliers des dirigeants français. Elles ont leurs entrées à l’Elysée ou au Quai d’Orsay ou dans les instances de négociations internationales (G8-G20).

Critiques émoussées

Ces ONG ont introduit la culture de la stratégie des petits pas et du plus petit dénominateur commun. De plus en plus, les communiqués « se félicitent de » la moindre petite avancée, qui n’« exigent » plus, ne s’indignent plus, se contentant de dire que le gouvernement « devrait » (traduction du « should » anglais) faire ceci ou cela.
De plus en plus concurrencées et dépendantes des financements publics, les ONG françaises tombent souvent dans la facilité du plaidoyer à tout prix. Elles multiplient les contacts avec les décideurs et cela leur confère un rang, une reconnaissance, attestant auprès des donateurs du sérieux des démarches accomplies.

L’aseptisation du ton, l’annihilation de la capacité de révolte sont des risques palpables quand, tout autant que la dépendance financière vis-à-vis des institutions et la quête du Graal du doublement de l’APD, les proximités partisanes constatées entre certains diri­geants et les responsables du PS, émoussent parfois les critiques. Sans aller jusqu’à parler de connivence, il est indéniable que l’élection d’une majorité socialiste et écologiste a multiplié les passerelles entre le monde des ONG et celui des pouvoirs publics, ce qui n’est pas condamnable a priori, pourvu que chacun sache rester à sa place et conserver son indépendance.

Ces constats ne sont pas nouveaux et chaque démarche de concertation ou de médiation avec la société civile initiée par les pouvoirs publics engendre son lot de réticences et de méfiance face à une possible instrumentalisation. Le Grenelle de l’environnement a eu un effet dévastateur à cet égard et le « Grand débat sur l’énergie » organisé au mois de novembre 2012 par le ministère de l’Environnement a suscité des prises de position hostiles (celle de Greenpeace en particulier).

Au terme de cette analyse, il apparaît que la seule vertu de ces Assises est peut-être de proposer la possibilité d’un cadre de confrontation entre institutions et acteurs issus de la société civile, donnant l’occasion aux seconds de réinvestir le champ revendicatif et de réfléchir à leur positionnement vis à vis des pouvoirs publics.
A défaut de donner une place claire à la société civile dans un processus toujours attendu de redéfinition de la politique de coopération de la France.


Fabrice Tarrit, 11 décembre 2012
 Article paru sur survie.org

 

mardi 11 décembre 2012

La justice française ordonne au préfet d'accorder un titre de séjour à Agathe Habyarimana

Agathe Habyarimana, la femme du président rwandais assassiné le 6 avril 1994, Juvénal Habyarimana, lors d'une visite à l'Elysée, le 14 avril 1977.


A lire sur lemonde.fr


La justice française a "enjoint" à la fin de novembre au préfet de l'Essonne de délivrer un titre de séjour à Agathe Habyarimana, veuve de l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, a-t-on appris, jeudi 6 décembre, auprès de son avocat. Mme Habyarimana, 70 ans, est soupçonnée d'être impliquée dans le génocide de 1994.

"On a bien senti qu'il y avait des contingences politiques dans ce dossier", a indiqué Me Philippe Meilhac, précisant que la demande avait été présentée "au moment où la France et le Rwanda renouaient leurs relations diplomatiques". La requête de Mme Habyarimana, "est l'archétype d'une demande de séjour pour vie privée et familiale", a estimé Me Philippe Meilhac, car "elle n'a plus d'attache dans son pays et toute sa famille est en France".
Mme Habyarimana est souvent présentée comme l'une des dirigeants de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a planifié et mis en œuvre le génocide déclenché par l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion transportant son époux. Selon l'ONU, environ huit cent mille Tutsis et Hutus ont été tués au cours de ce génocide. Une enquête est ouverte à Paris depuis 2008 pour "complicité de génocide", à la suite d'une plainte d'une association française, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

LA PRÉFECTURE AVAIT INVOQUÉ UNE "MENACE À L'ODRE PUBLIC"

La préfecture de l'Essonne avait rejeté en mai 2011 la demande de titre de séjour de la veuve de l'ex-président rwandais, invoquant notamment la "menace à l'ordre public" que constituerait Agathe Habyarimana. A cette époque, elle faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis en octobre 2009 par les autorités rwandaises pour génocide et crimes contre l'humanité. Selon son avocat, la demande d'extradition formulée par Kigali a depuis été rejetée.
Mais ce refus de lui attribuer un titre de séjour avait été annulé par le tribunal administratif de Versailles en octobre 2011. Saisie par la préfecture, la cour administrative d'appel a confirmé à la fin de novembre le premier jugement et a "enjoint" au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme Habyarimana un titre de séjour dans le délai d'un mois.

mercredi 5 décembre 2012

Hollande fait la paix avec Déby et prépare la guerre

Nous publions ici le communiqué de SURVIE relatif à la réception totalement passée sous silence du dictateur tchadien Idriss Déby à l’Elysée par François Hollande ce mercredi 05 décembre.

Vous pouvez retrouver ce communiqué en suivant le lien :
http://survie.org/francafrique/tchad/article/hollande-fait-la-paix-avec-deby-et


Après quelques hésitations, le dictateur tchadien Idriss Déby sera reçu à l’Elysée par François Hollande mercredi.
Cette rencontre plusieurs fois reportée, aura lieu sur fond de négociation sur une intervention militaire au Mali appuyée par la France, qui souhaite mobiliser les troupes claniques de l’armée tchadienne.

L’accueil annoncé à l’Elysée du dictateur tchadien Idriss Déby le 5 décembre conclut un vrai-faux suspense qui a duré plusieurs semaines. Les reports de ce rendez-vous sont probablement le signe de houleuses tractations dans lesquelles les questions liées aux violations des droits humains au Tchad n’auront au final pas pesé lourd face à la volonté de la France d’obtenir le soutien de N’djamena dans le dossier malien. En effet, pour des raisons géostratégiques décidées en dehors de la volonté souveraine du Mali, la France fait depuis plusieurs mois pression sur le président tchadien pour obtenir la participation de ses troupes et de ses moyens militaires dans l’ « opération africaine » qu’elle promeut.
Une participation évidemment compromise si Hollande n’accepte pas de donner un minimum de caution diplomatique à Déby en le recevant à l’Elysée.

Le cas tchadien illustre cette incapacité de l’exécutif français à définir une ligne diplomatique claire et assumée concernant ses relations avec les dictateurs africains. A quoi bon en effet tenir un discours sur les droits humains sur les terres d’un dictateur à Kinshasa en octobre et se pincer le nez face à lui, si c’était pour rencontrer discrètement dans la même journée les despotes congolais et camerounais Denis Sassou Nguesso et Paul Biya ou si c’est pour recevoir à l’Elysée le dictateur tchadien Idriss Déby quelques semaines plus tard ?

Rappelons qu’Idriss Déby, souhaitant faire jouer au maximum son potentiel de négociation, avait pris soin de décliner l’invitation à Kinshasa, sans doute d’en l’attente d’être « mieux traité » à Paris. C’était prendre peu de risques. Les visites ministérielles au Tchad en juillet dernier de Laurent Fabius et Pascal Canfin avaient en effet laissé envisager, sur fond de crise au Mali, une continuité dans la politique française de soutien « pragmatique » au dictateur, le chef de la diplomatie française y faisant étalage des « relations d’amitié qui demeurent » .

En fait d’amitié, c’est l’armée tchadienne qui est soutenue sans discontinuer par le dispositif militaire français Epervier, lancé en 1986 par le gouvernement Fabius – ce dispositif est constitué d’un millier d’hommes, d’une force d’aviation et de renseignement sophistiqué, renforcé ces dernières semaines. L’armée tchadienne, en phase avec la volonté farouche d’Idriss Deby de se maintenir au pouvoir, est une des plus puissantes de la région. Habituée à des opérations dans des zones désertiques, elle compterait « 30.000 hommes équipés d’armes modernes et de moyens aériens » [1] .
Dans un pays classé parmi les plus pauvres de la planète, l’armée plétorique de ce pouvoir couvé par les bons soins de la France aurait davantage de quoi inquiéter que de réjouir quiconque.

En effet, Idriss Déby est responsable d’une partie des massacres et atrocités commises sous le régime d’Hissène Habré, dont il fut le chef d’État major, avant de le renverser en 1990 avec l’appui de la France. A la tête de l’État, il n’hésita pas à ordonner de nouveaux massacres et des exactions insoutenables [2] , et s’est maintenu au pouvoir par les armes, toujours soutenu par la France. 

Un soutien tricolore multiforme : économique, via les largesses en aide publique ; diplomatique, par la validation d’élections truquées (quand la France n’a pas elle-même contribué à organiser la fraude comme lors de la présidentielle de 2001) ; militaire enfin, l’armée française repoussant les rébellions de 2006 ou 2008 et continuant à fournir en armes un régime qui a renoncé à investir dans les secteurs sociaux de base et n’hésite pas, comme le dénonce Amnesty International, à recruter des enfants soldats.

Aujourd’hui, alors que les Tchadiens réclament la démocratie, la fin de la répression contre les opposants, victimes d’arrestations arbitraires, la vérité dans les multiples affaires criminelles impliquant le régime tchadien (dont la disparition de l’opposant Ibni Oumar Mahamet Saleh en février 2008), et surtout des politiques publiques au service des populations, la France accepte de redonner une caution d’honorabilité à Idriss Déby.
Avec pour seul espoir que les soldats tchadiens, supposés spécialistes du Sahel (du moins quand la France les appuie), sinistrement réputés pour leur clanisme, leurs exactions et leurs multiples retournement d’alliances dans les différents conflits internes, ne constituent un soutien utile sur le terrain malien.

Naïvement ou à dessein, le Président de la république française s’engouffre dans une realpolitik promue avec son Ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius et opte délibérément, sous des prétextes fallacieux, pour une politique criminelle de réhabilitation d’un des pires despotes du continent.
Un manque de lucidité particulièrement étonnant tant les exactions du régime Déby sont connues et documentées, y compris par des conseillers du président de la République, telle l’ancienne députée Marie-Hélène Aubert [3] qui de part ses travaux passés est bien informée de la nature du régime d’Idriss Déby .

Une diplomatie française qui s’évertue à voir Idriss Déby comme une solution plutôt que comme un problème n’est décidément pas prête à rompre avec la Françafrique.



[1] « On y trouve aussi huit hélicoptères de combat, Mi-17 et Mi-8 ainsi que deux avions de chasse Sukhoï et des avions de reconnaissance aérienne » selon RFI ( jeudi 15 novembre 2012, Nord du Mali : option militaire et dialogue politique menés de front).

[2] Cf. Annexe 1 - Exemples d’exactions commises par Idriss Déby

[3] Auteur d’un rapport parlementaire en 1999 sur les entreprises pétrolières qui avait consacré plusieurs pages au cas tchadien. Voir http://www.assemblee-nationale.fr/l... Mme Aubert avait par ailleurs témoigné en faveur du Président de Survie François-Xavier Verschave lors d’un procès intenté en 2001 par trois chefs d’Etat africains dont Idriss Déby, où elle avait décrit les exactions commises par Idriss Déby et son armée sur les populations civiles (cf. Annexe 1).


Contact Presse : danyel.dubreuil@survie.org 01.44.61.03.25