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lundi 21 janvier 2013

Togo, élections législatives - Lettre ouverte du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique à Mme Ashton Catherine et M. Andris Piebalgs

Nous publions le communiqué du Collectif de solidarité avec les luttes sociales et politiques en Afrique à propos des élections législatives à venir au Togo.
Vous trouverez ce communiqué au format PDF sur le site http://www.electionsafrique.org




Paris, le 18 janvier 2013

Lettre ouverte à l’attention de : 
- Mme Ashton Catherine, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎, 
- M. Andris Piebalgs, commissaire au Développement de l’Union européenne

Copies :
-  M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères du gouvernement français
-  M. Pascal Canfin, ministre délégué au Développement du gouvernement français
-  M. Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement Européen
-  Mme Eva Joly, présidente de la commission Développement du Parlement Européen
-  Présidents des groupes parlementaires du Parlement européen : o M. Joseph Daul, Parti Populaire Européen (Démocrates-chrétiens) o M. Johannes Swoboda, Alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates o M. Guy Verhofstadt, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe o M. Cohn-Bendit et Mme Rebecca Harms, Verts/Alliance libre européenne o M. Marek Grobarczyk, Conservateurs et Réformistes européens o Mme Gabi Zimmer, Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique o M. Emmanuel Bordez, Europe de la liberté et de la démocratie
- M. Calixte Batossie Madjoulba, ambassadeur du Togo en France
- M. Félix Kodjo Sagbo, ambassadeur du Togo à l’Union Européenne


Objet : Demande d’action urgente de l’Union européenne au Togo en vue d’une organisation des élections législatives transparentes, consensuelles et crédibles

Madame le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎,

Monsieur le commissaire au Développement de l’Union européenne,

Entre 2009 et 2011, l’Afrique francophone a connu une vague d’élections présidentielles dont les résultats ont souvent été contestés. Si des transitions démocratiques ont connu un certain succès, au Niger par exemple, la démocratisation du continent africain avance difficilement, et, certains régimes dictatoriaux ont réussi à trouver une ‘légitimité’ internationale en instrumentalisant une démocratie factice au moyen d’élections fraudées. Fin 2012, début 2013, le hasard des calendriers électoraux amène une nouvelle vague d’élections, cette fois, législatives. L’enjeu de démocratisation se déplace des présidentielles aux législatives, mettant l’accent sur le renforcement des institutions.

Au Togo, suite aux massacres de 2005 à l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, en accord avec l’Organisation des Nations unies et le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’Union Européenne a soutenu le pays au niveau des processus électoraux et de la construction de l’Etat de droit, par ses Missions d’Observation Electorale et ses financements. Cette action a indirectement conforté un régime caractérisé par la violence de la répression, l’impunité, la corruption, et le refus de toute alternance politique. Le soutien à la démocratisation a parfois perdu de son efficacité et de son sens. En 2010, l’Union européenne a financé à hauteur de 12,5 millions d’euros l’organisation de l’élection présidentielle, et a envoyé une Mission d’Observation, impliquant par son budget les contribuables européens. L’Union européenne était le garant attendu des résultats comme premier donateur et observateur. Les conditions de cette élection n’auraient pas été acceptées dans les démocraties adhérentes à l’Union européenne. L’Union européenne se doit de tirer les conséquences de son implication, particulièrement si elle continue de financer les élections au Togo. [1]

Si, parmi les principales dispositions de l’Accord Politique Global (APG) signé à Ouagadougou en 2006 entre le pouvoir togolais et les partis de l’opposition, suite aux 22 engagements pris en 2004 par l’Etat togolais auprès de l’UE, certaines ont partiellement été exécutées permettant au pouvoir de bénéficier des financements de l’Union européenne, les plus importantes notamment celles relatives aux réformes institutionnelles et constitutionnelles n’ont pu être mises en œuvre du fait du manque de volonté et de la mauvaise foi du pouvoir.

En 2012, l’ONU condamne sévèrement le gouvernement togolais sur la torture, en lui demandant de prendre rapidement des mesures qui auraient dû être prises depuis longtemps, mettant particulièrement en cause l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), lui demandant de « mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) sur les allégations de torture et de mauvais traitements dans les locaux de l’ANR et autres lieux de détention » [2]. Cette nouvelle condamnation démontre que le régime issu des massacres de 2005 a peu progressé dans la construction d’un Etat de droit.

Sans qu’il n’y ait de date certaine et alors que le chef de l’Etat togolais annonce dans ses vœux de nouvel an 2013 vouloir suivre un chronogramme avec une élection fin mars 2013, les législatives au Togo se dérouleront environ 3 ans après la présidentielle de mars 2010. Depuis cette date, les populations entraînées par l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), la coalition de partis réunis au sein du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC), et, depuis le mois de mai 2012, le Collectif ‘Sauvons le Togo’ (CST), ainsi que la coalition « Arc-en-ciel », ont contesté les résultats de la présidentielle de 2010, et ont réclamé des élections législatives transparentes et organisées selon les standards internationaux. Le gouvernement a violemment réprimé les mouvements pacifiques de contestation, sans pour autant parvenir à briser la dynamique acquise au changement.

Ces coalitions de partis politiques réclament l’organisation consensuelle d’élections législatives face à la poursuite solitaire de l’organisation de ces élections par le gouvernement. Le Collectif ‘Sauvons le Togo’ a indiqué, le 1er janvier 2013 [3] « qu’il est prématuré d’aborder des questions liées à des élections sans la réalisation consensuelle des réformes institutionnelles et constitutionnelles. Il convient plutôt de réunir les conditions devant ouvrir la voie à un dialogue structuré, franc et sincère, … Le Collectif ‘Sauvons le Togo’ réitère sa proposition pour la mise en place d’un comité préparatoire qui conviendra des modalités du dialogue, dans ses aspects liés à la composition, au fonctionnement et aux sujets à débattre. Pour la sérénité des débats, la présence d’un médiateur choisi consensuellement, avec l’assistance de la communauté internationale, s’impose. »

Comme les diplomaties des principaux pays occidentaux, l’Union européenne est de nouveau prise à témoin d’un processus biaisé. Etant donné l’historique de l’influence européenne au Togo, sa volonté d’accompagner le régime, dont des personnalités fortes sont elles-mêmes mises en cause, vers un objectif de démocratie, quand ce régime ne semble pas partager les valeurs démocratiques, n’a jamais été comprise par la majorité de la population togolaise. La poursuite de cette politique pourrait donc être de nouveau assimilée à une complicité avec le régime dictatorial. A ce stade, l’Union européenne a encore la possibilité de corriger la logique de son implication, pour devenir un acteur fiable et reconnu de la démocratisation.

La qualité de l’organisation d’un scrutin se détermine en amont : au niveau de l’indépendance de l’organisation vis-à-vis du pouvoir, la préparation des listes électorales, la qualité du découpage des circonscriptions, – point bloquant pour le Togo –, le contrôle des moyens de l’Etat, les moyens financiers de l’opposition, la liberté de la presse, l’indépendance et le travail de la justice en cas de répression policière. L’Union européenne a émis après des législatives de 2007 des recommandations qui n’ont jamais été appliquées par le gouvernement togolais. En effet, parmi les recommandations de la Mission d’Observation Electorale de l’Union Européenne (MOE-UE) des législatives d’octobre 2007 figure la recommandation selon laquelle « la représentativité des sièges dans la nouvelle législature doit se faire sur des critères démographiques » [4], pour mettre fin à la sur-représentativité manifeste du Nord par rapport au Sud. Ce déséquilibre, imposé par un régime électoralement illégitime, est à la base du trucage prévisible dans l’organisation des législatives par le gouvernement sans concertation avec l’opposition. D’autres recommandations allant dans le même sens sont venues se rajouter dans le rapport de la MOE-UE de 2010, et l’opposition demande leur application. [5]

A partir du « printemps arabe », la politique européenne, que ce soit au niveau de la Commission ou du Parlement, s’est engagée dans le sens d’une politique plus « cohérente vis-à-vis des régimes autoritaires » associant développement, droits humains, et démocratie [6]. Les élections législatives au Togo révèlent un enjeu important pour la démocratisation du continent parce qu’il s’agit d’un des seuls pays subissant une dictature militaire à façade démocratique où le régime pourrait quitter le pouvoir par les urnes, l’opposition ayant réussi à rester électoralement forte malgré les manœuvres récurrentes visant à la déstabiliser. S’il est bien organisé et si les résultats sont correctement restitués, le prochain scrutin permettrait de sortir d’une impasse et montrerait la capacité du Togo à s’engager dans une alternance. Les élections législatives envisagées au Togo pourraient ainsi mettre un terme à la dictature en donnant un exemple positif pour d’autres pays. Il s’agit donc d’un test pour la communauté internationale et en particulier pour l’Union Européenne, qui par son expérience des Missions d’Observation, a la possibilité de devenir un soutien efficace, rapide, reconnu, pour la généralisation de la démocratie en Afrique.

Les organisations signataires rassemblées au sein du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique soutiennent les forces démocratiques du Togo pour mettre fin à une dictature militaire, clanique et familiale, le pouvoir de Faure Gnassingbé découlant du régime de son père Eyadéma. Elles appellent l’Union Européenne à prendre la mesure des enjeux et de la gravité de la situation au Togo et à prendre ses responsabilités en conséquence.  

Elles demandent à l’Union européenne d’exiger au plus vite du gouvernement togolais qu’il s’engage à organiser des élections législatives crédibles, conformes aux recommandations déjà émises, en accord avec l’opposition réelle et légitime du Togo rassemblée autour des deux coalitions de partis, le FRAC et Arc-en-ciel, ainsi qu’autour du Collectif ‘Sauvons le Togo’.

Pour le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique,

les signataires : Afriques en luttes, Attac France, Plateforme Panafricaine, Survie, Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD, Congo Brazzaville), Ça suffit comme ça ! (Gabon ), Mouvement du 4 mars pour la Libération du Togo (MoLiTo), Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo – France (CACIT – France), Alliance Nationale pour le Changement en Ile-de-France (ANC-IDF, Togo), Union des Populations du Cameroun (UPC), Alliance Républicaine pour le Développement (ARD, Djibouti), Mouvement pour la Restauration Démocratique en Guinée Equatoriale (MRD), Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Gauche Anticapitaliste, Convergence et Alternative, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique, Europe Ecologie les Verts.

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