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vendredi 24 janvier 2014

Boubacar Diop: «L'exception française, c'est ce refus de décoloniser»

" Peut-être faudrait-il écrire dans les écoles : 
«La Françafrique est un crime contre l’Humanité !» "
 

|  Par Thomas Cantaloube

Cet article  est offert par le site mediapart.


Co-auteur avec Aminata Traoré de La Gloire des imposteurs, l'écrivain sénégalais évoque les liens néfastes de la France avec ses anciennes colonies à l'heure des interventions au Mali et en Centrafrique. « La France devrait se livrer à un honnête examen de conscience au lieu de continuer à prendre le monde à témoin de sa générosité et de sa grandeur d’âme en Afrique », dit-il.

C’est un petit livre de correspondance à l’ancienne, des mails échangés au gré des mois pendant deux ans entre deux intellectuels africains : la Malienne Aminata Traoré, essayiste, altermondialiste et ancienne ministre de la culture de son pays, et le Sénégalais Boubacar Boris Diop, romancier et journaliste. 
Entamés début 2012, leurs échanges se trouvent vite accaparés par la conquête du nord du Mali par les djihadistes, puis par l’intervention française. Mais les mails que s’envoient ces deux écrivains, rassemblés dans un livre qui vient de paraître, La Gloire des imposteurs (Éditions Philippe Rey), concernent également une multitude d’autres sujets liés à l’Afrique, leur continent de naissance et celui où ils ont choisi de vivre : une Afrique, principalement sa partie francophone, qu’ils aimeraient voir libérée des chaînes pesantes du néo-colonialisme, débarrassée des autocrates et dépeceurs en tous genres, et traçant sa propre route dans le XXIe siècle.

Nous avons profité du passage à Paris de Boubacar Boris Diop pour l’interroger sur les différents fils de réflexion qui traversent son ouvrage et qu’il n’est pas incongru de relier à l’actuelle opération française en Centrafrique.


Votre livre de correspondance avec Aminata Traoré est marqué par l’intervention française au Mali. Depuis, il y a eu une nouvelle opération hexagonale en Centrafrique, qui est la cinquantième depuis les indépendances. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Boubacar Boris Diop. Le compte est vite fait : une intervention militaire par an pendant un demi-siècle. C’est une situation unique : la Grande-Bretagne n’a jamais monté une opération dans son ex-empire colonial sous prétexte de sauver tel ou tel pays de ses démons. On peut en dire de même du Portugal et de la Belgique. Toutes ces anciennes puissances européennes ont compris que le fait colonial a une fin et qu’il faut savoir en prendre acte.
Cette exception française, le refus de décoloniser, devrait inciter les Français à se demander : « Pourquoi sommes-nous les seuls à agir de la sorte ? » Complice des génocidaires du Rwanda, la France devrait se livrer à un honnête examen de conscience au lieu de continuer à prendre le monde à témoin de sa générosité et de sa grandeur d’âme en Afrique.

Que l’on ne me dise surtout pas que je suis en train de me défausser sur la France : je sais bien que nous sommes, nous intellectuels et hommes politiques d’Afrique francophone, totalement responsables de ce qui nous arrive. La France n’ose pas piétiner la souveraineté de ses anciennes colonies d’Afrique du Nord ou d’Asie et si elle se comporte ainsi avec nous, c’est que nous la laissons faire. Nous revenons très souvent sur cette incroyable veulerie des élites d’Afrique francophone dans notre livre. Notre génération a failli, nous avons failli avec elle, Aminata Traoré et moi-même, mais nous avons à cœur d’aider les jeunes à prendre la mesure du lavage de cerveau qui nous a transformés en zombies et a mené nos pays à leur perte.


Au Mali, dans la foulée de l’opération Serval, les Maliens applaudissaient l’intervention française. En Centrafrique, au mois de novembre 2013, tout le monde sur place, citoyens ordinaires et politiciens, appelait de ses vœux une intervention étrangère. N’est-ce pas troublant ?

C’est plus que troublant, c’est très choquant. Les jeunes Maliens qui applaudissaient les soldats de Serval étaient sincères, ils venaient d’être délivrés des djihadistes. Mais ces vivats ne pouvaient qu’être éphémères, ce que ne semblaient pas avoir compris de nombreux journalistes français qui nous tympanisaient avec leurs cocoricos. Je me suis un peu moqué d’eux à l’époque en disant qu’à leur place, je me serais quand même dit que la mariée est trop belle. Après toutes les atrocités commises au cours des siècles par la France en Afrique, ces applaudissements étaient tout simplement contre nature. Et comme il fallait s’y attendre, un sentiment anti-français a vite pris le dessus sur ces effusions.
Je ne dirais pas que ce ressentiment est très fort au Mali mais il existe, surtout à cause du statut singulier de Kidal, cette ville du nord offerte comme un sanctuaire à la rébellion touareg.

Un des indices de ce rapide désamour, c’est l’attitude du nouveau président Ibrahim Boubacar Keita. Je m’étais personnellement attendu à le voir se montrer aussi docile qu’éperdu de reconnaissance envers Paris. Et voilà qu’aussitôt après avoir dit merci, dignement, il se met à poser les vrais problèmes, notamment celui de Kidal, sur un ton courtois mais ferme. Ça, c’est un signe des temps et il devrait faire réfléchir les maîtres d’œuvre de la politique africaine de la France. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Les limites, dangers et ambiguïtés de l’opération en Centrafrique devraient également alerter qui de droit. La France faisait la loi chez Bokassa et elle n’arrive même plus à faire la police à Bangui… Il est évident que les 1 600 soldats de Sangaris ne pourront jamais contrôler un pays de plus de 600 000 kilomètres carrés. Ils ont juste réussi à jeter de l’huile sur le feu et chacun voit bien que la situation n’a jamais été aussi grave.

D’ailleurs, dans les deux cas, Mali et Centrafrique, le tableau est presque toujours présenté de façon caricaturale : les Africains s’entretuent, comme à leur habitude, et des soldats blancs arrivent et les séparent car eux sont civilisés. C’est d’un simplisme outrancier. On passe trop vite par pertes et profits la forte présence militaire de nombreux pays africains. Au Mali, les Nigérians sont plus de 1 200, les Sénégalais sont environ 500, dont deux sont morts il y a quinze jours, mais on oublie surtout les 1 800 soldats du Tchad, pays qui a payé le plus lourd tribut dans cette guerre. Si la situation s’est améliorée au Mali, c’est avant tout grâce à leur sacrifice.
Malheureusement, le rôle important des Tchadiens dans cette guerre (NDR - sept soldats français sont morts au Mali contre plusieurs dizaines de Tchadiens) a permis de re-légitimer Idriss Déby. Ce chef d’État que l’on aurait pu croire condamné par l’histoire s’est trouvé hélas brusquement projeté au centre du jeu. On a eu le même sentiment lorsque le père Georges Vandenbeusch a été libéré au Cameroun : François Hollande a multiplié les remerciements appuyés à Paul Biya, un autre dinosaure de la Françafrique que l’on espérait voir quitter sous peu la scène. Bref, la situation est beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre un lapidaire « nous intervenons, nous évitons le bain de sang et nous rentrons chez nous ! ».


La Françafrique n’est plus ce qu’elle était du temps de Jacques Foccart, mais en même temps, elle n’a été remplacée par aucune autre politique alternative, et la France continue de jouer un jeu ambigu en intervenant en Afrique, en remerciant Déby ou Biya…

On n’est certes plus à l’ère des réseaux mafieux de Foccart, des putschs militaires et des mallettes d’argent « rétrocédées » aux présidents français par leurs homologues africains.

La Françafrique a su évoluer intelligemment, elle s’est mis une belle cravate par souci de respectabilité mais, dans le fond, rien n’a changé.

Et pourtant chaque nouveau locataire de l’Élysée tient à annoncer solennellement que « La Françafrique, c’est fini ! ». C’est en fait un aveu, une façon de reconnaître que ce système de domination est immoral et indéfendable. Il n’en est pas moins indispensable à la France, car au-delà du colossal profit matériel qu’elle en tire, il lui garantit une position plus forte sur l’échiquier politique international.

Si elle perd l’Afrique, la France n’a plus rien à faire au Conseil de sécurité et je la verrais au même rang que l’Italie et l’Espagne. Personne ne parlerait du « couple franco-allemand » ! C’est sans doute pour cette raison qu’il existe un consensus exceptionnel dans la classe politique française sur la politique africaine de Paris.

En la matière, il n’y a ni gauche ni droite et même l’extrême gauche sait se faire très discrète sur le sujet. Mais c’est, encore une fois, à nous Africains de mettre fin à la Françafrique par notre combat. Ce que montre l’histoire humaine, c’est que celui qui ne se bat pas reste dans les fers. Il faut être bien naïf pour prendre au sérieux un chef d’État français jurant, la main sur le cœur, de mettre fin à une situation si profitable à son pays.


Vous êtes d’ailleurs très critiques dans votre livre sur les intellectuels africains, qui s’adressent principalement à des publics étrangers et non à leurs concitoyens. Mais est-ce vraiment un déficit de pensée et d’idées, ou l’absence de lieux de débats publics en Afrique ?

Les lieux de débats ne manquent pas. Par exemple, deux amis écrivains et moi-même avons récemment créé une maison d’édition et repris une librairie dakaroise où on discute beaucoup, la presse est libre au Sénégal et les contre-pouvoirs, partis et syndicats, fonctionnent tant bien que mal… On ne peut cependant nier le phénomène de la fuite des cerveaux. C’est en effet à partir de l’étranger que certains de nos meilleurs intellectuels, en tout cas les plus écoutés, parlent d’une Afrique qu’ils ont parfois quittée très jeunes. Et c’est à des étrangers qu’ils en parlent, pas à leurs compatriotes.

Leurs postures d’intellectuels de la globalité, ça veut dire qu’ils parlent d’un village planétaire complètement désert, quasi pétrifié. Leur réflexion est brillante, souvent érudite, mais je la trouve creuse et tellement détachée du réel que c’en est parfois comique. Avec cela, on réussit le tour de force de disserter sur les crises dans les pays africains francophones en occultant et leur singularité historique et l’action de la France. Il est vrai qu’il est plus facile de récolter les faveurs du public français lorsqu’on critique les dictateurs africains sans rien dire de leurs parrains... Ce n’est pas très digne.

Il faut ajouter à tout cela une information sur l’Afrique si lacunaire et orientée que les discussions restent très superficielles et vagues. C’est par exemple via RFI et France 24 que nous savons ce qui passe sur le continent, même dans les pays frontaliers. Et cela laisse forcément des traces. La balkanisation intellectuelle est telle que même si nous parlons toujours de l’Afrique comme d’un seul pays, vous ne verrez jamais un journal sénégalais titrer sur Blaise Compaoré (NDR - le président du Burkina Faso).


Le moment de l’écriture de votre ouvrage correspond en partie à celui des printemps arabes. Je trouve que vous avez un regard très critique sur ces événements.

Je suis un peu réservé, oui. Je vivais en Tunisie lorsque tout cela est arrivé, et ça m’a fourni des clefs pour lire ces événements. Pendant que les télévisions occidentales s’excitaient sur le « printemps arabe », moi, je me posais toutes sortes de questions. Il y avait dans toute cette agitation un air de déjà-vu, de déjà entendu. Je me suis souvenu qu’après le discours de La Baule de Mitterrand, il y a eu des soulèvements populaires et des conférences nationales en Afrique francophone au sud du Sahara. Des dictateurs comme Mobutu, Bongo, Eyadema ont dû composer, pour la première fois de leur vie, avec leurs peuples.

Très vite, on s’est rendu compte qu’il s’agissait du simple réaménagement d’un système à bout de souffle, une façon de le réhydrater. Avec les fameuses « indépendances » des années soixante aussi, on s’était de même fait joliment avoir, comme chacun sait. J’ai eu l’impression que les révolutions arabes, c’était juste ça, malgré le bruit et la fureur, un marché de dupes.
Mais je ne dis pas cela pour disqualifier le « printemps arabe », je sais bien que comparaison n’est pas raison. Cette révolte est venue des profondeurs de la société. En Tunisie, c’est passé par le suicide de Bouazizi mais personne n’a rien vu venir, pas même Ben Ali. De même, les rassemblements sur la place Tahrir n’étaient pas au programme, c’est le peuple égyptien qui a obligé les Occidentaux à laisser tomber Moubarak.
Mais d’autres agendas, particulièrement pervers, se sont rapidement engouffrés dans la brèche, comme on l’a vu en Libye, en Syrie ou à l’occasion des tentatives d’intimidation, restées sans suite, du Maroc et de l’Algérie. Et aujourd’hui, mes amis tunisiens ont plutôt tendance à déchanter.


Comment expliquez-vous que cette étincelle qui s’est propagée dans le monde arabe en 2011, avec des fortunes très diverses, ne se soit pas du tout répandue au sud du Sahel, alors que les mêmes conditions semblaient réunies : des vieux dictateurs, des appareils d’État corrompus… ?

J’ai presque envie de dire que c’est une curiosité de la science politique… Pour ne prendre qu’un seul exemple : Blaise Compaoré, c’est un dictateur, il n’y a aucun doute là-dessus, mais à Ouagadougou vous pouvez lire chaque matin une presse très critique à l’égard de son régime. Grâce à certaines soupapes de sécurité, vous n’avez pas du tout à Yaoundé ou à Ouaga ce sentiment d’étouffement que l’on pouvait éprouver en Tunisie sous Ben Ali. En outre, dans chaque pays subsaharien, les gens savent se battre quand il le faut. Il y a juste deux semaines, 75 responsables du parti de Compaoré ont démissionné en bloc, et au Sénégal, lorsque Abdoulaye Wade a voulu prolonger son mandat, toute la population s’est dressée contre lui.
Ce n’était pas envisageable ni en Libye, ni en Tunisie, ni en Égypte, car dans ces pays du « printemps arabe » le peuple était supposé tout accepter sans broncher. Tout cela montre à quel point il faut se méfier des apparences. À mon avis, les sociétés humaines progressent par petites poussées millimétriques, pas forcément en faisant de grands bonds en avant.


En revenant sur votre jeunesse dans le livre, vous semblez regretter votre engagement au côté du communisme dont vous dites que c’était un combat qui concernait avant tout l’Occident et non pas l’Afrique. Est-ce qu’on ne peut pas relier cela au fait que les indépendances en Afrique ont coïncidé avec l’apogée de la guerre froide : les nouveaux pays africains se sont retrouvés sommés de choisir un camp et certains des dirigeants les plus prometteurs comme Patrice Lumumba ont été assassinés au nom de cette lutte idéologique ?

L’exemple du Congo est intéressant : en 1961, ce pays est à la croisée des chemins, il peut aller vers l’indépendance avec Lumumba ou avec Mobutu, mais puisque c’est la guerre froide, on élimine sans pitié le patriote congolais et le fantoche Mobutu, placé sur le trône, saccage littéralement son pays pendant plus de trente ans avec la complicité de ses parrains étrangers. Au Congo, c’est l’espoir qui a été assassiné. Pour ce qui est du communisme, nous avons surtout regretté dans La Gloire des imposteurs le fait que n’ayons pas réussi à adapter cette idéologie à nos réalités. Dans la fougue de la jeunesse, nous avions une lecture assez primitive du marxisme, réduisant tout aux rapports de production et à la lutte des classes. Lorsque certains parlaient de la culture, on les accusait de faire preuve de nationalisme étroit.

À l’époque, nous aurions dû davantage écouter des hommes comme Cheikh Anta Diop (historien, anthropologue et homme politique sénégalais, Ndlr) et faire l’effort de mieux connaître nos sociétés avant de prétendre les changer. Faute de repères sûrs, nous nous sommes trouvés face à un vide abyssal ; lorsque le Mur de Berlin s’est effondré, nous avons été complètement désemparés. La plupart des militants de cette époque-là sont passés de l’intégrisme communiste à l’intégrisme islamique, ce qui est une façon de s’obstiner dans le contournement de soi. Je suis d’accord avec Lévi-Strauss pour qui l’obligation de se déterminer par rapport au capitalisme ou au communisme a été pendant la guerre froide une façon d’imposer la rationalité occidentale au monde entier.


Sans trop vous étendre sur cette comparaison, vous notez dans votre livre que les Sud-Américains ont gardé un certain ressentiment, une méfiance instinctive à l’égard des États-Unis qui les ont dominés pendant des décennies, alors que l’Afrique francophone continue, elle, de regarder la France avec bienveillance malgré les douleurs et les méfaits de la colonisation.

Je déplore surtout notre faible capacité d’indignation. La mémoire des peuples sud-américains est riche des luttes de Sandino, de Bolivar, de Che Guevara, mais aussi des souffrances de ceux que l’on a torturés en Argentine ou du martyre d’Allende au Chili… Cette mémoire-là, elle continue à nourrir une résistance multiforme à l’impérialisme américain.

Or qui se souvient en Afrique francophone des luttes du peuple camerounais et des terribles massacres de l’armée française en pays Bamiléké ? On parle bien sûr de Thomas Sankara, d’Amilcar Cabral et de Lumumba, mais ils ne nous servent pas autant qu’il le faudrait de repères pour la réflexion et l’action.

Je pense que la seule vraie réussite militante de l’Afrique indépendante, ça a été la lutte contre l’apartheid. Dans toutes les écoles du Sénégal, au-dessus du tableau noir, il était écrit : « L’apartheid est un crime contre l’Humanité. »
Ça n’a l’air de rien mais des générations qui grandissent avec ces mots-là sous leurs yeux, c’est précieux pour l’idéal de liberté et de souveraineté d’une nation. Ces mots font surgir des images et ils étaient en résonance, pour le jeune Sénégalais, avec ce qu’il avait entendu le matin à la télé ou à la radio.

Peut-être faudrait-il écrire dans toutes les salles de classe : « La Françafrique est un crime contre l’Humanité ! »
Mais je dis cela pour m’amuser, je sais bien que ce n’est pas demain la veille et c’est bien là tout notre problème.


Il y a une persistance de la Françafrique dans les mentalités françaises, illustrée par le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy, qui est profondément méprisant…

Sarkozy ne pensait peut-être pas aux Africains en général mais aux anciens colonisés que nous sommes. Du reste, quelques jours après son discours de Dakar, il va au Cap et y tient des propos si convenus que tout le monde les a oubliés, car là-bas, il se sait loin du pré carré, dans un pays qu’il est obligé de respecter. On raconte aussi que François Mitterrand avait un mépris viscéral pour les dirigeants d’Afrique francophone avec qui il traitait. Il savait que ces gens étaient en train de brader leurs pays, de vendre leurs peuples à l’encan et il en profitait sans état d’âme mais il ne pouvait pas les sentir, c’était plus fort que lui. À Dakar, Sarkozy est en pays conquis, il se dit : « Je suis chez moi, je peux y aller à fond la caisse. » On ne le rappelle pas aussi souvent qu’il le faudrait, sans doute par pudeur, mais ce discours complètement fou a été salué par des applaudissements nourris à Dakar !


J'ai rencontré Boubacar Boris Diop pendant une heure dans un café parisien mercredi 15 janvier 2014. Il a relu et amendé la retranscription de notre entretien.








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