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dimanche 29 juin 2014

Dossier sur la lettre ouverte à Alain Juppé et sa réaction



Au mois d'avril dernier, un collectif de citoyens adressait une lettre ouverte à Alain Juppé, afin de lui demander des détails concernant son rôle de ministre des affaires étrangères en 1994, au moment du génocide des Tutsi du Rwanda, ainsi que des explications sur les propos qu'il a pu tenir depuis.

Suite à cette interpellation et à la réaction de M. Juppé, Survie Gironde a réalisé le dossier ci dessous qui regroupe :
  • la lettre ouverte,
  • la réponse d'Alain Juppé,
  • et un commentaire de cette réponse signé par Survie Gironde.
Ce commentaire souligne les nombreuses questions précises que M. Juppé a choisi de laisser sans réponse. Ce texte reprend également les déclarations récentes d'anciens officiers et responsables politiques français qui confirment la légitimité de ces questions.







vendredi 20 juin 2014

Rwanda : lettre ouverte aux parlementaires suite à l’audition d’Hubert Védrine

Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Au mois d’avril, lors de la vingtième commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda, la présence française dans ce pays entre 1990 et 1994 a fait l’objet d’un débat qui s’est durci à un point jamais atteint lors des années précédentes. La presse française a répercuté les interrogations insistantes concernant la politique menée au Rwanda, ainsi que les accusations portées par des journalistes, des chercheurs, des associations. Des responsables politiques se sont exprimés sur le sujet.
Un point a particulièrement retenu l’attention de Survie.
Lors de son audition par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le 16 avril dernier, Hubert Védrine a admis l’existence de livraisons d’armes à l’armée rwandaise pendant le génocide des Tutsi (avril à juillet 1994).
Interrogé par le député socialiste Joaquim Pueyo, qui lui demande : « Est-ce que la France a livré des munitions aux forces armées après le début du génocide ? À quelle date ? », l’ancien secrétaire général de l’Élysée répond :
« Ce que je crois être le cas, ce que j’ai compris à l’époque ou après, avec le recul ou maintenant, c’est que la France a donc armé l’armée rwandaise pour résister aux attaques du FPR et de l’armée ougandaise, avec un certain type d’armement qui n’a jamais servi au génocide. Donc c’était armé dans ce but à partir de 1990 et après. Donc il y a eu des livraisons d’armes pour que l’armée rwandaise soit capable de tenir le choc parce que s’il n’y avait pas d’armée capable de tenir le choc, vous pouvez oublier Arusha et tout le reste, il n’y a plus les éléments, il n’y a plus le levier pour obtenir un compromis politique. Donc, il est resté des relations d’armement et c’est pas la peine de découvrir sur un ton outragé qu’il y a eu des livraisons qui se sont poursuivies : c’est la suite de l’engagement d’avant, la France considérant que pour imposer une solution politique, il fallait bloquer l’offensive militaire. Ça n’a jamais été nié, ça. Donc, c’est pas la peine de le découvrir, de le présenter comme étant une sorte de pratique abominable masquée. C’est dans le cadre de l’engagement, encore une fois, pour contrer les attaques, ça n’a rien à voir avec le génocide [1]. » 

Après Bernard Kouchner, selon lequel « Paris a livré des armes jusqu’en août 1994 », M. Védrine reconnaît donc lui aussi l’existence de ces livraisons. Or, un embargo international avait été décrété le 17 mai 1994 par l’Organisation des Nations Unies.

Hubert Védrine justifie les livraisons d’armes pendant le génocide par la nécessité de « contrer les attaques » du Front Patriotique Rwandais (FPR) « pour imposer une solution politique ».
Mais, dans le contexte génocidaire, aider l’armée rwandaise à « bloquer l’offensive militaire » du FPR revenait à permettre que se poursuive le génocide des Tutsi à l’arrière du front, puisque ce sont les troupes du FPR qui mettaient fin à l’extermination des Tutsi au fur et à mesure de leur progression.
M. Védrine refuse par ailleurs de prendre en compte ce que les documents militaires français eux-mêmes nous apprennent sur le rôle de l’armée rwandaise dans le génocide. L’ordre d’opération Amaryllis, daté du 8 avril 1994, indique ainsi que « les membres de la garde présidentielle » ont procédé dès le 7 avril au matin à Kigali à « [l’]arrestation et [l’]élimination des opposants et des Tutsi ». Pour sa part, l’ordre d’opération Turquoise du général Lafourcade, daté du 25 juin 1994, mentionne « un génocide perpétré par certaines unités militaires rwandaises et par des milices Hutues à l’encontre de la minorité Tutsie ». Il n’y a donc aucune ambiguïté sur le rôle joué par les Forces armées rwandaises dans les massacres. Comment M. Védrine peut-il dès lors prétendre que l’État français ne leur a fourni qu’« un certain type d’armement qui n’a jamais servi au génocide » ?
Le distinguo qu’il opère entre les armes ayant servi à combattre le FPR et les armes ayant servi au génocide n’a aucun sens. En affirmant, dans l’exposé liminaire de son audition, que « [les Hutu] n’ont pas fait les massacres avec les armes françaises fournies pour tenir la frontière avec l’Ouganda. Les massacres, comme vous le savez, ont été faits à coups de machettes, village par village », il réécrit l’Histoire : en réalité, une part non négligeable des victimes du génocide a été tuée par armes à feu (balles, éclats de grenade, etc) [2]. Le modus operandi courant était d’attaquer les Tutsi, préalablement regroupés dans des édifices publics ou des centres religieux, à la grenade et au fusil, avant de les achever à l’arme blanche. Étant donné qu’à l’exception peut-être des munitions pour hélicoptères, tous les types d’armes dont disposaient les Forces Armées Rwandaises (FAR) ont été utilisés pour commettre le génocide (armes de poing, munitions de 5.56 et 7.62 pour les fusils R4, Kalachnikov, et Fal, grenades à main, grenades à fusil, et même obus de mortier), il fait peu de doute que les livraisons d’armes par notre pays à partir d’avril 1994 ont servi à la fois à la guerre contre le FPR et au génocide des Tutsi.
Hubert Védrine devrait par conséquent expliquer qui sont les responsables politiques ou militaires français de l’époque qui ont donné l’ordre de livrer des armes aux génocidaires pendant le génocide, quels types d’armes ont été livrés, à quelles dates, par quels canaux, avec quels financements. Est-ce que Paul Barril, signataire le 28 mai 1994 d’un contrat de fourniture d’hommes et de munitions avec le Gouvernement intérimaire rwandais, a joué un rôle dans une « stratégie indirecte » évoquée à la fois par le général Quesnot et le général Huchon [3] ?
Il appartient au Parlement de demander des comptes au pouvoir exécutif sur la politique menée au Rwanda. Il est aujourd’hui évident que le travail important conduit en 1998 par la Mission d’information parlementaire présidée par Paul Quilès n’a pas permis d’éclairer la question des livraisons d’armes pendant le génocide –ce qui sous-entend que l’exécutif a menti aux députés en leur cachant ces livraisons.
N’en va-t-il pas de même pour d’autres aspects de l’action de la France au Rwanda pendant le génocide ? Entre autres : pourquoi le Gouvernement intérimaire rwandais s’est-il constitué pour partie à l’ambassade de France les 8 et 9 avril 1994 et quel rôle l’ambassadeur Jean-Michel Marlaud a-t-il joué dans sa formation ? Pourquoi l’opération Amaryllis, n’a-t-elle pas eu pour objectif de stopper les massacres des Tutsi dans les premiers jours du génocide ? Pourquoi des liens politiques, diplomatiques et militaires étroits ont-ils été maintenus avec le Gouvernement intérimaire rwandais et les FAR pendant le génocide ? Quels étaient les objectifs de l’opération Turquoise en dehors de ceux affichés officiellement ? Nos soldats ont-ils évacué le Gouvernement intérimaire rwandais vers le Zaïre ?
La responsabilité qui vous incombe en tant qu’élu-e est de contribuer à établir la vérité sur cette politique.
Pour cela, nous vous demandons de faire en sorte :
  • que soit communiqué aux magistrats du pôle anti-terroriste et du pôle « génocide et crimes contre l’humanité » du tribunal de grande instance de Paris l’ensemble des archives concernant les dossiers qu’ils instruisent (attentat du 6 avril 1994, plaintes contre des militaires de l’opération Turquoise, rôle de Paul Barril pendant le génocide) ;
  • qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée pour faire toute la lumière sur les livraisons d’armes aux Forces Armées Rwandaises dans lesquelles notre pays est impliqué, avant, pendant et après le génocide ;
  • que cette commission exige la déclassification de tous les documents liés à ces livraisons et qu’elle tienne toutes ses auditions publiquement. 
Veuillez agréer, Madame la députée, Monsieur le député, Madame la sénatrice, Monsieur le sénateur, l’expression de nos sentiments respectueux.

[1] http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5324.commission-de-la-defense--m-hubert-vedrine-sur-la-politique-de-la-france-au-rwanda-16-avril-2014... La question de M. Puyeo se trouve à 1’02’’ dans son intervention. La réponse de M. Védrine se trouve à 6’40’’ dans son intervention finale. Il est à noter que la transcription officielle des propos de M. Védrine gomme les éléments qui permettent de comprendre qu’il parle des livraisons ayant eu lieu après le début du génocide.
[2] La proportion est par exemple de 15 % dans la préfecture de Kibuye (Dictionnaire nominatif des victimes du génocide dans la préfecture de Kibuye, réalisé par l’association Ibuka).
[3] Général Christian Quesnot, chef d’état-major particulier de François Mitterrand, le 6 mai 1994 ; général Jean-Pierre Huchon, chef de la mission militaire de coopération, le 9 mai 1994.

Rwanda : les jeunes des partis politiques exigent “la vérité, maintenant !”

Rwanda : les jeunes des partis politiques exigent “la vérité, maintenant !”  


20 ans après, une partie de la classe politique française continue d’obstruer l’éclatement de la vérité concernant la collaboration de certains hauts responsables français avec le régime génocidaire au Rwanda avant, pendant et après le génocide contre les Tutsis.
La nouvelle génération engagée rejette l’héritage empoisonné de la collaboration que l’on tente de lui imposer, interpelle la génération précédente sur ses silences et sur les responsabilités des personnalités concernées, et exige de connaître “la vérité, maintenant !”.
C’est le sens de la tribune signée par le Mouvement Antiraciste Européen - EGAM, les dirigeants des jeunesses des partis de différentes couleurs politiques et des associations et syndicats de jeunesse.
La tribune “Génocide des Tutsis : la vérité, maintenant !” est publiée aujourd’hui simultanément par Libération, la Libre Belgique et le New Times (Rwanda). Vous trouverez également le texte à la suite de ce message.
Emmenée par l’EGAM, une délégation des signataires se rendra au Rwanda du samedi 21 au dimanche 29 juin prochains, accompagnée par des dirigeants antiracistes européens engagés dans la lutte contre différentes expressions du négationnisme. Elle y portera auprès des jeunes générations ce message de clarté et d’humanité, y commémorera le génocide des Tutsis, et contribuera ainsi à restaurer l’honneur de la France et la dignité des victimes en donnant corps aux droits de l’homme.

Génocide des Tutsis : la vérité, maintenant !

Par Paul Morin, Directeur Exécutif du Mouvement Antiraciste Européen - EGAM, Laura Slimani, Présidente des Jeunes Socialistes, Antoine Carette, Président des Jeunes Démocrates - Modem, Laura Chatel et Lucas Nédélec, Secrétaires fédéraux des Jeunes Ecologistes, Nordine Idir, Secrétaire général du Mouvement des Jeunes Communistes de France, Selim-Alexandre Arrad, Président des Jeunes Radicaux de Gauche, Sacha Reingewirtz, Président de l’Union des Etudiants Juifs de France, Raphaël Der Agopian, Président de l’Union Générale des Arméniens de Bienfaisance – Jeunes, Blaise Cueco, Coordinateur national de SOS Racisme, William Martinet, Président de l’Union Nationale des Etudiants de France, Corentin Durand, Président de l’Union Nationale Lycéenne, Sonia Aïchi, Présidente de la Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne.

Comme tout crime contre l’humanité, le génocide des Tutsis du Rwanda nous concerne. D’autant que ce crime fait aussi partie de l’histoire de notre pays. Notre génération refuse la loi du silence et réclame la vérité. C’est pourquoi nous irons, ensemble, au Rwanda, où nous porterons ce message à la société civile et aux jeunes générations rwandaises.

Disons-le en effet clairement : Paris a soutenu le régime génocidaire au Rwanda avant, pendant et après le génocide perpétré contre les Tutsis, qui fit plus de 800 000 victimes entre avril et juillet 1994. Une poignée de personnalités, de droite comme de gauche, situées au plus haut niveau de l’appareil d’Etat, endossa au cours du second septennat de François Mitterrand, la responsabilité d’une politique secrète qui dura a minima de 1990 à 1994.

Cette politique, qui ne fut jamais discutée au Parlement, et encore moins devant les Français, prit la forme d’un soutien politique, militaire et diplomatique envers les extrémistes rassemblés dans le mouvement Hutu Power, mouvement dont l’appareil d’Etat français connaissait la nature structurellement raciste, totalitaire, génocidaire.

Depuis vingt ans maintenant, cette poignée de responsables, croyant ainsi sauver leur honneur, refusent de répondre de leurs actes et tentent d’obstruer l’éclatement de la vérité en tenant un discours de déni, voire de négationnisme.

Les faits sont pourtant éloquents.

Il est établi que, d’octobre 1990 à la fin 1993, alors même que de nombreux télégrammes diplomatiques alertaient de la possible extermination totale de la population tutsi au Rwanda[1], Paris a soutenu les extrémistes, notamment en formant et armant la Gendarmerie nationale, les Forces armées et la Garde présidentielle qui allaient être les fers de lance du génocide[2]. Ce soutien, alors direct, ne fut interrompu ni pendant l’extermination, ni même après[3].

Il est établi que le gouvernement putschiste et génocidaire fut formé à l’ambassade de France, sous l’égide de l’ambassadeur de France, au lendemain de l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana[4]. Ce fut le dernier acte d’un coup d’Etat, entamé avec l’attentat et l’assassinat de la Première Ministre démocrate Agathe Uwilingiyimana, quelques heures avant la réunion à l’ambassade.

Il est établi que seules les autorités françaises ont accepté de recevoir en plein génocide, le 27 avril 1994, Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères du gouvernement génocidaire, et Jean-Bosco Barayagwiza, membre fondateur de « Radio-la-haine », la funeste Radio Mille Collines[5].

Il est établi que l’Opération Turquoise, lancée le 22 juin sous le chapitre VII de l’ONU, ne fut pas, comme cela a été officiellement présenté, une opération neutre et humanitaire. Certes les ordres de l’Opération Turquoise stipulaient qu’il convenait de « faire cesser les massacres », mais ils visaient aussi à « rétablir l’autorité » des forces locales « civiles et militaires » qui venaient de commettre le génocide[6].

Il est établi que, pour se porter au secours des rescapés, des soldats français ont dû désobéir aux ordres de l’état-major de Turquoise. De cela, les rescapés des collines de Bisesero, abandonnés aux milices génocidaires trois jours durant par les soldats français, témoignent implacablement[7].

Il est établi que cette opération « militaro-humanitaire » a permis de couvrir la retraite vers le Zaïre du gouvernement génocidaire et des milices, sous la protection de fait d’un contingent qui, malgré son engagement sous chapitre VII de l’ONU, avait reçu ordre des plus hautes autorités politiques et militaires françaises de rester l’arme au pied[8].

La liste des faits incriminants est longue, fondée sur des documents officiels, des enquêtes journalistiques et la mission d’information parlementaire de 1998. Les éléments cités ne sont pas exhaustifs mais ils disent bien la profondeur de la collaboration entre certains hauts responsables français et le régime auteur du génocide.

Depuis vingt ans, ces hauts responsables se drapent dans « l’honneur de la France » qui serait, disent-ils, mis en cause. Leur rhétorique indigne vise à enrôler d’autorité la France toute entière afin d’abriter leurs responsabilités derrière son innocence.

La question aujourd’hui posée est donc simple, claire, nette : cette poignée de personnalités sont-ils la France ?

A cette question, la France qui vient, celle de notre génération, répond avec clarté et fermeté par la négative.

Nous, dirigeants de jeunesses de partis politiques français, d’associations de jeunesse, défendons et soutenons le devoir de vérité, tout de suite. La recherche de la vérité sur le génocide des Tutsis est pour nous un absolu. Elle ne relève pas d’un compromis dans un rapport de forces politique ou diplomatique, ni d’un soutien politique à un régime ou à un gouvernement particuliers.

A ceux qui pensent qu’un mensonge national vaut mieux qu’une vérité qui met en cause certains Français, nous disons que la France n’est jamais aussi grande et digne que lorsqu’elle fait face, avec courage et lucidité, à son passé. Le travail de vérité est une exigence, lever le voile un impératif.

Notre génération, toutes tendances politiques républicaines confondues, rejette, contre ceux qui tentent de nous l’imposer, l’héritage empoisonné de la collaboration. Nous combattons l’indifférence, le déni et le silence d’Etat. La lutte contre le négationnisme n’est pour nous pas négociable.

Dans cette lutte, nous n’entendons pas laisser une poignée de hauts responsables parler au nom de la France, donc en notre nom à tous, ni utiliser impunément comme bouclier rhétorique une France à qui rien n’a jamais été demandé, qui n’y est pour rien. A eux, qui instrumentalisent l’honneur d’un pays et croient sauver le leur en cachant la vérité, nous disons que plus le temps passe, plus ils seront jugés durement par l’histoire et par la France.

Nous exigeons de ceux qui ont endossé cette politique criminelle, en premier lieu quand ils font partie de nos formations, qu’ils aient le courage de répondre sans faux fuyants aux questions précises, nourries et factuelles que pose la politique qui fut menée par Paris. Des zones d’ombre demeurent sur le champ et l’étendue des responsabilités individuelles. Il convient de rentrer dans le détail, d’examiner les faits, les multiples preuves. L’ouverture immédiate des archives s’impose pour permettre aux historiens de travailler sans entraves.

Nous irons à Bisesero inhumer ceux qui y ont été exterminés et rendre hommage à ces soldats français de Turquoise qui, confrontés à un choix terrible et douloureux, eurent le courage de désobéir aux ordres pour sauver des hommes, des femmes et des enfants voués à la mort.

Nous voulons par notre présence marquer celle de la France au Rwanda en ces temps de commémorations, qui s’achèvent le 4 juillet.

Ce qui est en jeu, c’est notre rapport à la vérité.
C’est notre relation à l’Afrique.
C’est notre capacité à affronter l’histoire.
Ce sont nos valeurs démocratiques fondamentales.
Ce qui est en jeu, c’est l’honneur de notre pays.

Le vrai.

[1] Le risque d’une « élimination totale des Tutsis » est mentionné dans un télégramme diplomatique dès le 15 octobre 1990 par l’ambassadeur de France au Rwanda, George Martres.
[2] « Les soldats de la garde présidentielle) étaient entraîné, mais vraiment bien entraînés et je pense qu’ils ont du massacrer un maximum de personnes. Oui, ils étaient craints d’ailleurs. La Garde présidentielle, le groupe d’intervention principalement, était très craint parce qu’ils avaient été entraînés par les Français et bien entraînés. Les gens savaient exactement de quoi ils étaient capables ». Adjudant-chef Thierry Prungnaud, GIGN. Instructeur de la garde présidentielle en 1992 et membre d’un détachement COS, Commandement des opérations spéciales, pendant l’opération Turquoise, témoignage diffusé par France Culture en avril 2005.
[3] La DGSE propose le 4 mai 1994 « une condamnation publique sans appel des agissements de la garde présidentielle et du colonel Bagosora » Cette note est ignorée. En 2008, le colonel Bagosora est condamné à perpétuité par le TPIR, peine réduite à trente-cinq ans de prison après appel.
[4] « La matinée du 8 avril avait été marquée par [...] l'arrivée à l'ambassade de France de plusieurs ministres. Ces derniers ont alors tenu une réunion au cours de laquelle ils ont fixé trois orientations : remplacer les ministres ou les responsables morts ou disparus, tenter de reprendre en main la garde présidentielle en vue d'arrêter les massacres et, enfin, réaffirmer leur attachement aux accords d'Arusha. Ils se sont néanmoins refusés à nommer M. Faustin Twagiramungu Premier ministre en remplacement d'Agathe Uwilingiyimana. Vers 20 heures, l'ambassade a été informée de la nomination d'un président de la République et d'un gouvernement intérimaire. La composition de ce gouvernement était apparemment conforme aux accords d'Arusha puisqu'elle prévoyait une répartition des portefeuilles entre partis politiques. » Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France à Kigali. MIP, Tome 3, auditions, vol. I, p. 296-297.
[5] « En visite à paris où il a été reçu par les autorités françaises, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire rwandais mis en place en place après la mort du président Juvenal Habyarimana le 6 avril, Jérôme Bicamumpaka a jugé ‘’exagéré’’ le chiffre de 100.000 morts avancé comme bilan des massacres commis dans son pays au cours des trois dernières semaines. ‘’A mon avis, 100 000, c’est trop, 100 000 morts, je n’y crois’’, a-t-il-dit au cours d’une conférence de presse. » Le Monde, 30 avril 1994.
[6] « Affirmer auprès des autorités locales rwandaises, civiles et militaires, notre neutralité et noter détermination à faire cesser les massacres sur l’ensemble de la zone contrôlée par les forces armées rwandaises en les incitant à rétablir leur autorité ». Ordre d’opération de Turquoise, 22 juin 1994, MIP, annexes, p.386.
[7] Instruction judiciaire ouverte à Paris en novembre 2005 à la suite du dépôt de plaintes contre X au tribunal des Armées pour « complicité de génocide et/ou crimes contre l’humanité »
[8] « Battue sur le terrain, l’armée ruandaise se replie, en désordre, vers la zone humanitaire sûre. L’E.M.T (Etat-major tactique de l’opération Turquoise) provoque et organise l’évacuation du gouvernement de transition ruandais vers le Zaïre. Le 17 juillet, le gouvernement ruandais passe au Zaïre » Mensuel de la légion étrangère, Képi blanc, octobre 1994.